La commune vers les États Généraux

Préparation de la réunion des États Généraux à Plaisance

1789

Le Conseil du Roi, par arrêté du 5 juillet 1788, avait invité les assemblées et les Conseils Municipaux à déterminer, d’une manière précise, ce qui devait être observé, pour la prochaine réunion des États Généraux, sous forme de mémoires. Dans toute la France, on rédigea donc les fameux Cahiers de Doléances

1er mars 1789

La liberté guidant le peuple - Eugène Delacroix

Le Premier mars 1789, les habitants de la ville de Notre-Dame de Plaisance et paroisse d’icelle assemblés au son de la cloche, à 5 heures de relevée, et précédemment convoqués en la maison de Fleurant Audoux Syndic, le tout conformément aux ordres du Roi et de l’ordonnance de Monsieur l’assesseur civil et criminel de la sénéchaussée de Montmorillon, en date du 18 février de la présente, sont comparus :

  • Jacques Duprat, sergetier
  • Sieur Vacher de la Pouge, receveur de la ville
  • Germain Normand, marchand
  • Fleurant Audoux, Syndic
  • Louis Laurendeau, marchand et officier municipal
  • Louis Gourdonneau, Tailleur d’habits et officier municipal
  • Sieur Jean Bost, Bourgeois et officier municipal
  • Jean Vauzelle, greffier de la municipalité
  • Jean-François Augier, bourgeois
  • Sieur Jean Loyeux, Chirurgien
  • Jean Duprat, sergetier
  • Jean Moreau, maréchal
  • François Petreau, maçon
  • et autres habitants, lesquels ont délibéré.

1. – sur la nomination de 4 députés à envoyer à Montmorillon pour y présenter les cahiers de remontrances et doléances de ladite commune et y élire les députés pour assister à l’assemblée provinciale qui se tiendra à Poitiers, le 16 du présent mois. Ont été élus et nommés, à la pluralité des voix, messieurs Vacher de la Pouge, Augier Desvigères, Normand et le sieur Laurendeau, lesquels ont signé. 

2. – sur la rédaction du cahier de plinte et doléances que les susnommés et autres ont fait, rédigé et clos ainsi qu’il suit, et présidée par Fleurant Audoux, syndic faisant fonction de maire et officier public.  

La discussion, n’en doutons pas, fut passionnée et la nuit ne fut pas trop longue pour aboutir à la rédaction de cet admirable cahier, parfaitement ordonné en chapitres, non titrés, il est vrai, mais rigoureusement distincts :

  • Justification des pouvoirs de l’assemblée
  • Plaintes contre le Haut-Clergé
  • Plaintes contre les seigneurs locaux
  • Mesures à prendre pour remédier aux injustices

Et nos propres ancêtres le firent avec un souci extraordinaire de précision et de vérité, dénotant une prise de conscience remarquable, bien qu’encore hésitante, et un courage exemplaire. Et c’est une bien belle leçon que nous donnent, ce soir-là, les grands-pères de nos grands-pères, assemblés chez Fleurant Audoux ! Ce n’est pas sans émotion et respect que je transcris, sans rien changer de l’orthographe ni des tournures de phrases du Greffier (peut-être Jean Vauzelle, peut-être Vacher de la Pouge ?)1.

Cahier de plinte et de doléances de la paroisse de Notre-Dame de Plaisance-sur-Gartempe

Attendu que les seigneurs hauts justiciers n’ont point d’officiers public tel qu’il devraient avoir, les habitants ont cru que cette négligence de leur part ne devrait point empêcher le bien public.

En conséquence après avoir mûrement délibéré les habitants ont arrêté que l’assemblée se tiendrait par devant le sindic de la municipalité, lequel la présiderait, représentant le maire en ladite qualité de sindic étant officier public, et de suite les dits habitants ont travaillé à leur cahier de doléances. 

Dieu bénisse les jours de notre auguste prince, que les voeux de messieurs les ministres et les nôtres soient accomplis, accablés des impôts de toute espèce, l’état écclésiastique seul dans toute l’aisance, membre qui devrait aider et soulager les malheureux et qui n’ont d’autre but que de se procurer leur agrément et leurs satisfactions. 

Ne devraient-ils pas se trouver trop heureux d’avoir cinq cents livres par an, mais au contraire, ils ont cuisinière, une femme de chambre et femme de compagnie, en outre laquets, jardinier, domestique de peine, voiture, bons chevaux et bonne table ornée de la plus belle argenterie et porcelaine.

Notre misérable paroisse vexée de toutes les manières n’a de longueur que 3/4 de lieues et environ un quart de largeur, tenus par trois seigneurs suzerains et ayant nomination d’officiers de justice et du seigneur foncier. Il est inexprimable les abus qui se commettent par la négligence de ces seigneurs de ne pas maintenir cette justice, étant sans aucun officiers.

Qui sont les seigneurs ? 

1- Le seigneur de Beaupuy et autres fiefs

2- Le seigneur du Vitray à cause de la Vigerie

3- Le seigneur de l’Âge de Plaisance à cause de plusieurs fiefs en notre dite paroisse.

4-Le seigneur Prieur, seigneur foncier, jouissant d’une part de la douzième partie des fruits et d’un très grand nombre de grosses rentes, tant en cette paroisse que dans celle dépendant, Adrier, St-rémy, Latus et Moussac et Saulgé et possèdant les meilleurs fonds, métayrie et moulin. 

Notre paroisse, située dans un mauvais fonds et habitée par soixante et seize familles pauvres et mendiant étant souvent obligés de vendre pour payer les impôts et pour subvenir à leurs besoins d’argent, c’est notre prieur toujours prêt à acquérir, si ce n’est pas pour lui comme homme de mainmorte (l’ayant cependant déjà fait) c’est pour des pupilles, s’en réservant néanmoins la jouissance à sa vie, et prêter sous gage.

Ce sont aujourd’hui les oeuvres de charité que ces messieurs là exercent, un vicaire n’aurait-il pas assez de 300 livres par an, et encore faire la quête chez des malheureux qui souvent sont obligés de porter dès le lendemain leur sac chez le meunier ou au marché et souvent sans argent.

Nous voyons encore les évêques jouir de cent mille livres de rentes et plus et ne payer aucun impôt, détruire les communautés pour joindre à ces évêchés les revenu, leur donner en outre la richesse des églises, la dépouille de l’édifice ainsi que les matériaux. 

À quoi servent tous ces revenus, le tout pour l’amusement et les plaisirs de ces individus, et le pauvre Tiers-États toujours accablés et malheureux. Détruire les communautés ainsi que les abbayes, le revenu des évêchés réduit à dix mille livres de rente et le reste employé à l’acquittement des dettes de l’état. La noblesse, état qui se multiplie d’un instant à l’autre, et cette cotte particulière se trouve réversible sur le pauvre Tiers-États.

Un contrôleur, un receveur général, un directeur brillant dans la ville par le produit d’un droit onéreux dont le pauvre Tiers-États est foulé. 

Les aides sont-elles nécessaires ? Non ! Le vin est absolument nécessaire, même sur l’autel et cependant est gêné dans son commerce. Les traites sont-elles nécessaires ?  Non ! Elles ne font que gêner la circulation de plusieurs denrées et marchandises. Ce qui fait l’or du commerce fait répandre le sang de la profusion et ruine les familles. La gabelle est-elle nécessaire ? Non ! Le nom seul est même trop odieux. 

Nous pourrons donc dire enfin qu’un directeur, un receveur et les commis en général, ne sont que gens guidés par la molesse et la paresse, qui ont pris cet état que pour se procurer une vie douce et agréable, molester le peuple, l’arceler, l’obséder et l’écraser.

Que d’argent mal à propos, employé pour faire briller les hommes qui ne devraient être employés qu’au bien public et les appointements et les pensions versées dans le trésor royal.

Réduite l’état ecclésiastique à une pension selon leurs besoins, détruire les communautés et abbayes et joindre les revenus au trésor royal. Que la noblesse et les ecclésiastiques payent au prorata les impôts réunis en un seul rôle. Le commerce libre, ce sont les vœux du Tiers-États qu’il y a lieu d’espérer d’un monarque bienfaisant, juste et citoyen.

Le Tiers demande, ainsi que notre assemblée, pour se conformer aux vues bienfaisantes de son auguste monarque déjà annoncées par le plus sage des ministres, qu’il n’y ait à l’avenir qu’un seul et même impôt auxquels seront assujettis toutes les personnes de l’état, sans distinction ni exception, de quelle manière qu’elle puisse l’être, et qu’à cet effet, il n’y aura, pour chaque paroisse, qu’un seul et même rôle dans lequel serait compris les nobles, ecclésiastiques et tiers-état suivant leurs facultés et propriétés. 

Ainsi sont les vœux et les respectueuses doléances que la paroisse de Plaisance a l’honneur de vous présenter. 

Ont signé, dans l’ordre des signatures : J. Normand, Laurendeau, Gourdonno, Jean Vauzelle, Jean Duprat, Philippe Vauzelle, Vacher de la Pouge. 

Louis Germaneau poursuit…

Les officiers de justice

On distinguait la haute, la moyenne et basse justice selon l’importance du seigneur. Celui-ci devait nommer des officiers de justice dans les paroisses. Ceux de Plaisance ne remplissaient pas leur devoir puisqu’ils n’en avaient pas nommé. 

Homme de mainmorte

Appartenant à une communauté. Les achats de terre faits par le Prieur de Plaisance n’étaient pas soumis à l’héritage. À sa mort ou à son départ ils revenaient au nouveau Prieur nommé par la communauté religieuse. C’était les biens de mainmorte. 

Les impôts

Ils étaient innombrables pour le Tiers-État. 

La Taille, évaluée par paroisse et répartie ensuite entre les habitants par les collecteurs. C’était l’impôt sur la personne et sur les biens. 

La Gabelle, impôt sur le sel, très variable selon les provinces. En Poitou, le sel valait environ 4 sols le kg tandis qu’en Île-de-France il valait 25 sols. 

Les Traites, impôts sur les marchandises qui passaient d’une province à l’autre. 

Les Aides, impôts payés au seigneur dans certains cas. Quand il mariait sa fille, quand son fils était armé, chevalier, quand il partait en guerre, etc. Les évêques percevaient aussi des Aides. Le Roi percevait des Aides sur les vins, les cidres, les bestiaux, les poissons…

Il y avait encore bien d’autres impôts, la dîme, le champart, les banalités, la corvée, la capitation, le vingtième…

LES ÉTATS GÉNÉRAUX

16 mars 1789

Jacques Delion de Surade

Les États généraux

L’Assemblée Provinciale, qui s’est tenue à Poitiers le 16 mars, a nommé Delion de Surade (Prieur-Curé de Plaisance) député du Poitou aux États Généraux. Il s’est donc rendu à Versailles. Le 4 mai, il a assisté à la messe solennelle d’inauguration qui fut dite en l’église St-Louis et, le 5 mai, il entendit, dans la salle des menus, trois discours : celui du roi, celui du Garde des Sceaux, grand maitre de la justice, et celui du ministre Necker. Ces discours étaient bien loin, bien loin de ce que conseillait notre cahier de doléances. 

Dès les premières réunions des États-Généraux la discorde règne. Les nobles et le clergé manoeuvraient pour conserver leurs privilèges, et ce n’est que le 10 juin que le Tiers-État, grossi de quelques curés forma l’Assemblée Nationale qui, le 20 juin, dans la salle du Jeu de Paume, jura de ne pas se séparer avant d’avoir donné une constitution à la France. 

Le 14 juillet 1789 le peuple de Paris prend la Bastille. 

Source Gallica-BNF

20 juillet 1789

20 juillet 1789

La grande peur

Dans les campagnes, à partir du 20 juillet, des bruits circulent que des bandes, ayant à leur tête des nobles, menaçaient de tout mettre à feu et à sang. Partout le peuple forme des milices.

À Plaisance, on n’a pas eu trop peur !

On n’a pas cru au danger, mais on a quand même pris des précautions !

Le 29 juillet 1789, à l’époque de l’émeute générale, nous membres et sindic de la municipalité de la ville et communauté de cette ville, nous avons rassemblé un nombre considérable d’habitants de la paroisse qui volontairement ont pris les armes avec toute la bonne volonté possible, pour se mettre en garde et défense contre les prétendus ennemis, car ayant poussé notre course jusqu’au bourg d’Adriers, à deux lieux de notre ville, nous n’avons vu personne ! Mais étant tous les jours dans l’inquiétude, nous avons continué à faire faire l’exercice militaire à notre milice volontaire et il s’est trouvé à leur tête les personnes ci-après dénommées qu’ils ont choisi pour leurs chefs et officiers et qui ont accepté :

  • M. DEMARQUET, Chevalier de Céré, Commandant
  • Sieur VACHER DE LA POUGE, Major
  • AUGIER DEVIGÈRE, Capitaine
  • Sieur BOST-LAMONDIE, Lieutenant
  • JOYEUX, Petit-Fils, Sous-Lieutenant
  • NORMAND DES PINOCHÈRES, Porte drapeau
  • LÉONARD TABUTEAU, Tambour
  • JEAN TABUTEAU, Sergent-major
  • ANDRÉ PINIÈRE, Sergent
  • JEAN VAUZELLE, Caporal
  • JOSEPH DUQUERROUX, Caporal
  • JOYEUX, Chirurgien
  • VACHER DE LA POUGE, fils, Aide-major

Même si à Plaisance et aux environs le calme régna (aucun château féodal important n’y existait, les nobles, détenteurs de terres et des droits de la paroisse habitaient ailleurs, probablement en ville) il y eu effectivement, en France, une émeute générale. 

Dans de nombreuses régions, en ce mois de juillet 1789, des paysans refusaient le paiement des impôts (gabelle, cens, champart…). Ils pénétrèrent dans de nombreux châteaux, et ils n’exercèrent guère de violence contre les personnes des seigneurs, ils s’emparèrent des vieux parchemins sur lesquels étaient inscrits les droits féodaux et ils les brulèrent. 

1. – Commentaires de Louis Germaneau 

1789

À Plaisance

Sources : La vie municipale de Plaisance sous la révolution de 1789, Louis Germaneau. Ed. Service écologie et biogéographie de la faculté des sciences fondamentales et appliquées de l’université de Poitiers – 1981

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