14 juillet 1790
Partout, en France, les gardes nationales des communes s’unissaient, à l’intérieur des provinces, en fédération, pour se porter secours les unes aux autres, si besoin était. Un procès-verbal de députation de Messieurs de la Garde Nationale du 24 juin 1790 fait état de la nomination des délégués devant se rendre à Montmorillon pour le 28 du mois. Les instructions, fixant ces délégations à 6 membres pour cent, il fut nommé à Plaisance, 4 membres pour un effectif de 55 environ.
- Demarquet de Céré, Commandant
- Augier, Capitaine
- Vachier de la Pouge, Major
- Jean Thabutteau, Fusillier
Pour le pacte fédératif général à Paris, il était prévu 1 représentant pour un effectif de deux cents. La Garde Nationale de Plaisance n’était donc pas concernée directement. Toutes les provinces envoyèrent des représentants à Paris. Il en vient 14 000, qui entendirent une messe solennelle, au champ de mars, puis prêtèrent le serment habituel à la Nation, à la loi et au Roi, auquel ils ajoutèrent celui de maintenir la constitution décrétée par l’Assemblée Nationale. Dans toutes les communes de France, le même jour, la Garde Nationale, les élus, et les habitants se réunirent également pour prêter le même serment.
A Plaisance, nous avons un compte rendu de cette cérémonie sous la forme d’une lettre, oeuvre de Bonneau, curé et maire, envoyée à l’Assemblée. Elle est assez extraordinaire et particulièrement exubérante.
Adresse de la ville et paroisse de Notre-Dame de Plaisance à Messieurs de l’Assemblée Nationale, sur le serment prononcé le jour de la Fédération
Le 14 juillet 1790, jour à jamais mémorable pour un peuple aimant son Roi, pour des français devenus frères, nous, maire et officiers municipaux et notables, officiers et soldats de la Garde Nationale des villes et paroisse de Plaisance en Poitou, et tous ses habitants, dociles à la voix des citoyens de Paris qui, dans leur adresse aux français, invitent tous les citoyens du royaume à s’unir au pacte auguste et solennel que la nation vient de contracter, plus dociles encore à la voix de nos cœurs soupirants sans cesse pour le bonheur d’une nation que l’univers entier admire, nous nous sommes transportés dans une plaine peu distante de notre ville et là, sur l’autel élevé et dédié à la patrie, nous avons prononcé le serment inviolable et sacré d’être pour toujours fidèles à la nation, à la loi et au Roi.
Nous ne craignons pas d’être parjures, nous sommes trop glorieux d’être français, nous sommes trop satisfaits d’avoir pour Roi, nous nous trompons, d’avoir pour père le monarque auguste et chéri que vous avez nommé, Messieurs, et à juste titre le restaurateur de la liberté française.
Un ministre du Dieu qui gouverne les empires vient de nous servir d’interprète auprès de lui, nous avons voulu unir nos prières aux siennes, mais nos cœurs étaient émus, des larmes involontaires, quoique douces à répandre, ne nous ont permis que difficilement d’exprimer nos vœux.
Messieurs, nous sommes maintenant heureux, n’en doutez pas, on le devient toujours par l’accomplissement de ses devoirs, nous vous devons les avantages précieux qui nous sont accordés, notre bonheur est votre ouvrage, et ayant tout à fait pour nous, vous vous êtes acquit un droit imprescriptible à notre amour. Ne-serait-ce pas trop peu de ne vous offrir qu’une reconnaissance stérile et sans effet ? Oui, sans doute, Messieurs, aussi ne craignons-nous pas de prendre le ciel à témoin que nous sommes près de sacrifier nos biens et notre vie pour le maintien de la constitution.
Un incident marque la Fête Fédérative
La cérémonie fédérative ne fut pas tout à fait aussi sérieuse et majestueuse que le laisse supposer la lettre du Sieur Bonneau. Elle fut troublée par un incident que nous trouverons sans doute, de nos jours, amusant, mais que le patriotisme de nos ancêtres dût réprouver sévèrement. D’ailleurs, cet incident avait-il le même côté comique ce jour-là ? Nous manquons d’information pour le dire. Déchaume était-il habituellement sain d’esprit ? A-t-il été provoqué ? Quelles étaient ses opinions ? Était-il à jeun ?
Quoi qu’il en soit, les autorités firent ce que les braves gens attendent toujours d’elles, à l’encontre de celui qui ne suit pas la même route qu’eux.
Procès-verbal de M. le Procureur de la commune en réquisitoire contre Jean Charle dit Déchaume.
Aujourd’hui, 14 juillet 1790, à l’autel de la patrie, à l’heure de midi, étant assemblés pour le serment fédératif, on aurait demandé à Jean Charle dit Déchaume, résident depuis 6 mois environ dans un cabaret de cette ville, de prêter le serment civic d’être fidèle à la Nation, à la loi et au Roi, a répondu affirmativement, en présence de l’aumônier, officiers municipaux, gardes nationales et habitants de ladite ville et paroisse :
– qu’il n’avoit pas besoin de faire ce serment, qu’il s’en foutoit ! Et plusieurs autres termes injurieux, le tout en face de l’autel de la patrie, ce qui a causé une rumeur et scandale pour le peuple.
Sur le réquisitoire du procureur de la commune qui a requis la municipalité, sur les propos injurieux et opiniâtreté de ne vouloir faire le serment civic en aucune qualité, ce qui est une contravention contre les décrets de Messieurs les députés de l’Assemblée Nationale d’être fidèle à la Nation, à la loi et au Roi, que sur les propos injurieux que ledit Charle s’est permis, enjoignons à la Garde Nationale de le prendre au corps et mettre en prison dudit lieu de Plaisance, et qu’il soit fait amende honorable, en présence du peuple, le dimanche suivant, pour avoir manqué devant le Saint Sacrement et ministre de ses autels, et en outre à un premier officier de la Garde Nationale pour lui avoir dit :
– que lui même n’avoit qu’à avancer, foutre il ne seroit pas de trop !
Ces faits sont bien plus que suffisants pour prouver que le nommé Jean Charle est perturbateur du repos public et que, au lieu de se prêter au bon ordre dans un jour aussi immémorable (sic) et si propre à réunir tous les cœurs pour le maintien et le bon ordre de la patrie, il s’est, par cet acte, déclaré ennemi de la nation.
18 juillet 1790
Le dimanche suivant, le 18 juillet 1790, la sentence fut exécutée.
Nous, maire et officiers municipaux de la ville de Notre-Dame de Plaisance, assistés de notre greffier ainsi qu’il est requis, de notre Garde Nationale commandée par deux de ses chefs, nous nous sommes assemblés et transportés de suite à la principale porte de l’église paroissiale dudit lieu de Plaisance.
Et là nous avons reçu, en présence des habitants disposés à entendre la Sainte messe, le nommé Jean Charle qui a demandé pardon à Dieu ainsi qu’il a été condamné par sentence de la municipalité pour avoir refusé publiquement et d’une manière scandaleuse de prêter, le jour de la fédération générale, le serment de fidélité à la Nation, à la Loi et au Roi, l’avons en outre entendu faire des excuses auxquelles il était également condamné, par la même sentence, à un officier qu’il avait insulté publiquement.
Et voulant, autant qu’il était notre pouvoir, remplir les vues toujours sages de nos augustes représentants, dont les affections paternelles sont connues dans le monde entier, nous avons unanimement décidé qu’il convenait d’allèger la peine du délinquant, par égard pour sa malheureuse famille, et de ne pas exiger qu’il eut, ainsi que la sentence portoit, un cierge à la main, ce qu’il a éxécuté. De suite, nous avons ordonné que ledit Jean Charle fut mis en liberté, et nous nous sommes retirés.
1789
à Plaisance
Sources : La vie municipale de Plaisance sous la révolution de 1789, Louis Germaneau. Ed. Service écologie et biogéographie de la faculté des sciences fondamentales et appliquées de l’université de Poitiers – 1981. Gallica BNF