XVIIIe Siècle de 1790 à 1795 – 3

Affaires diverses à Plaisance de 1790-1795

Relevé des affaires diverses de 1790 à 1795 à Plaisance, publiées dans l’ouvrage de Louis Germaneau

1er avril 1792

enlèvement du tombeau de bronze en l'église de Plaisance

Le compte-rendu du Procureur Vacher, écrit sans doute par Vauzelle, greffier, est difficile à déchiffrer. La ponctuation est inexistante, l’orthographe est complètement fantaisiste, certaines tournures de phrases et expressions sont très confuses et, tout en respectant de très près le texte et sans omettre un détail, il a paru indispensable de lui donner la forme plus accessible que voici. 

L’an quatrième de la liberté et le premier jour d’avril mil sept cent quatre-vingt-douze nous, maire et officiers municipaux de la ville et commune de Plaisance, et notables, composant le Conseil Général de la municipalité, assemblés au lieu ordinaire de nos délibérations, ouy1 le sieur Vacher de la Pouge procureur de la commune, lequel nous a remontré que, par l’exploit de Bonin, huissier royal, du 27 mars dernier, le Sieur Martial Fégneux et dame Marie de Blon, son épouse, ont déclaré à cette municipalité en la personne de Jean Vauzelle, notre greffier, qu’ils étaient propriétaires d’un tombeau de bronze, placé au milieu du chœur de ladite église de cette ville et paroisse. Il se propose de l’enlever incessamment.

Tout celà afin de se conformer aux décrets de l’Assemblée Nationale, afin que nous n’en ignorassions, afin de nous prouver leur soumission et afin qu’ils n’éprouvassent aucun obstacle ni difficulté judiciaire.

S’ils éprouvaient quelque empêchement, ils prendraient parti nous, officiers municipaux, et ce, par la voie solidaire2.

Sans avoir attendu que nous puissions délibérer sur la réponse qu’il convenait de faire à cette déclaration, et sans l’avoir rendu légale par la voie judiciaire, ils ont, dès le lendemain matin, effectué ledit enlèvement sans avoir justifié des titres en vertu desquels ils prétendent être propriétaires dudit tombeau, ni de leur qualité d’héritiers de ceux qui l’ont fait placer là. Ils ne pouvaient se dispenser de le faire sans courir les risques de commettre une voie de fait. 

Cette conduite, contraire à la prudence et aux règles du droit, avait excité sa vigilance3. Il croyait qu’il était de son devoir et des fonctions qui lui sont confiées de requérir. 

À sa diligence, le Sieur Martial Fégneux et la dame de Blon son épouse, seront incessamment cités à comparaître devant M. Gourdonneau, juge de paix du canton de Montmorillon, au lieu qu’il lui plaira d’indiquer, pour justifier, tant leurs titres de propriété sur le tombeau en bronze qu’ils ont indûment enlevé, que sur leur qualité d’héritiers, en tout ou partie, de ceux qui ont fait placer le tombeau. 

S’ils ne comparaissaient pas au lieu et jour et heure indiqués par ladite citation, ils y seront contraints par toute voie de droit, même par la force publique, comme délit de police. Ils auront en outre à répondre à toutes les interrogations et interpellations qui leur seront faites par ledit juge de paix. 

Sur ces circonstances et dépendances, nous, membres et notables ci-dessus, après avoir délibéré, et faisant droit au présent réquisitoire, nous nous sommes transportés dans l’église, au lieu où était ledit tombeau. Nous avons effectivement reconnu qu’il a été enlevé, même que ceux qui l’ont enlevé ont commis des dégradations au gradin de la balustrade du chœur de ladite église. En conséquence, nous avons délibéré, et délibérons qu’à la poursuite et diligence du Procureur de la commune, le Sieur Gourdonneau, juge de paix, fera toutes les informations et poursuites nécessaires contre le Sieur Martial Fégneux et dame Marie de Blon, son épouse, pour délit de police. 

1.  – Ouy : ayant entendu
2. – Ce qui veut dire qu’ils demanderaient l’aide de la municipalité
3. – la vigilance du Procureur Vacher

Le Procureur, Vacher de la Pouge, suivit en effet cette affaire de près et intenta les poursuites nécessaires, car le tombeau fut remis en place par les époux Fégneux le 7 avril 1793.

La responsabilité du greffier Vauzelle

Fégneux avait bénéficié, soit par négligence soit par intérêt, de la complicité de Jean Vauzelle, greffier. Celui-ci avait été prévenu, la veille, de l’enlèvement du tombeau et n’avait rien dit à la municipalité. Le Procureur de la commune l’accuse formellement de prévarication, c’est-à-dire de manquement aux devoirs de sa fonction. 

Aujourd’hui, quatre avril mil sept cent quatre vingt douze nous, officiers municipaux et notables, assemblés au lieu ordinaire de nos délibérations, sur un réquisitoire de Mr le Procureur de la commune qui nous a représenté que le registre de la municipalité n’était nullement en ordre, que les actes de l’Assemblée nationale1 et corps administratifs n’avaient pas été enregistrés depuis le douze février dernier, que, en outre, ayant appris que, le 28 du mois de mars, il a été fait information aux officiers municipaux, en la personne de Jean Vauzelle secrétaire-greffier, de la part du Sieur Fégneux demeurant à l’Age, paroisse de Saulgé, de n’avoir point à s’opposer à l’enlèvement d’un tombeau en métal placé dans l’église de cette commune, devant le grand autel, dans le sanctuaire.

Le Procureur n’ayant pas été prévenu de cette sommation n’a pas pu s’opposer à l’enlèvement dudit tombeau qui a été fait à six heures du matin le 29 du mois de mars dernier. Vauzelle se trouvait, par là, vouloir autoriser l’enlèvement dudit tombeau et avait donc prévariqué dans son état de greffier. 

En conséquence nous, officiers municipaux et notables, ouy le procureur de la commune, nous avons délibéré que Jean Vauzelle, secrétaire-greffier de la municipalité, pour avoir prévariqué, donnera, le jour de Pâques prochain, une somme de quinze sols à la veuve Démazeaux, une autre somme de quinze sols à François Tabuteau, le tout pour amende, et qu’il ait, à l’avenir, à se montrer plus circonspect et exact dans son état. Il a de nouveau prêté serment et a, avec nous, signé le présent procès-verbal. 

1. – il s’agit ici de l’Assemblée législative

7 avril 1792

Le prix du pain

Le 7 avril 1792, le Maire de Plaisance arrête :

que le pain étant taxé au District de Montmorillon, à savoir 3 sols 3 deniers la livre, par ordonnance du six avril, défense est faite à tous les boulangers vendant dans cette ville de Plaisance, de le vendre à un plus haut prix sans être passibles de toutes peines de droit. 

Ce prix était considérable. La journée de travail était payée, à Plaisance, entre 12 et 18 sols au plus. Le quintal de blé valait 26 livres 10 sols. Il fallait donc 35 à 50 journées de travail à un ouvrier pour acheter un sac de blé. 

La plupart des orateurs, à l’Assemblée, déclaraient qu’un travailleur des campagnes mangeait trois livres de pain et plus par jour (le pain était la nourriture de base). C’était donc une dépense journalière de 9 sols, 9 deniers. Que restait-il pour nourrir le reste de la famille et pour les autres dépenses ? Entre 2 sols 3 deniers pour le moins payé et 8 sols 3 deniers pour le mieux payé, c’était la faim, c’était la misère ! 

C’est que le blé avait subi une hausse considérable, souvent du double, les prix variaient selon les départements. En 1787, le setier de 240 livres de blé (118 kg) valait en moyenne 22 livres (francs). En 1792, il valait dans la Vienne 31 livres, et encore, c’était un prix relativement modéré par rapport à d’autres départements. Dans 27 départements ce prix dépassait 40 livres, il atteignait parfois 50 livres et davantage ? 

La France ne manquait pourtant pas de blé. Les récoltes, depuis plusieurs années, avaient été bonnes, mais les raisons de la crise, qui commença début 1792 et se termina fin 1793, furent nombreuses :

  • La baisse de la monnaie (les assignats) provoqua la hausse des prix.
  • Les achats de l’armée étaient considérables. L’Assemblée avait à cœur de bien nourrir les défenseurs de la patrie.
  • La mobilisation des hommes, des chevaux ne facilitaient pas les ensemencements.

Les gros propriétaires et les grands fournisseurs accaparaient, spéculaient et la Convention dut les juger. Même le roi spéculait sur les blés et les sucres. Les ouvriers engagèrent des luttes pour obtenir la diminution du prix du pain. Ils réussirent à obtenir des augmentations de salaire. L’ensemble de cette crise aboutit au décret et lois du 29 juillet 1793, 11 et 29 septembre 1793, contre l’accaparement des  marchandises, fixant le prix des grains et farines (le prix du blé de première qualité fut fixé à 14 livres le quintal au lieu de 26 livres, dans la Vienne en 1792) et taxant toutes les marchandises de première nécessitée (viande, beurre et huile, boissons, bois, charbon, savons, métaux, textiles,…).

Boulangers d'après l'Encyclopédie Diderot D'Alembert fin du XVIIIe
le Pain égalité

Les députés à la Convention Nationale, Joseph Fouché et Jean-Marie Collot d’Herbois  proposent de voter une loi intitulée le Pain égalité

 » La richesse et la pauvreté devant également disparaître du régime de l’égalité, il ne sera plus composé un pain de fleur de farine pour le riche et un pain de son pour le pauvre. Tous les boulangers seront tenus, sous peine d’incarcération, de faire une seule sorte de pain : Le Pain égalité »

Le pain égalité : un pain de campagne, une miche dont la composition peut varier selon les régions, mais dont le blé n’est pas la base principale. Le pain de l’égalité se compose essentiellement de farine de froment à laquelle on ajoute de la farine d’autres céréales ou de la farine de châtaigne, le fruit du châtaignier si commun dans la forêt française de l’époque.

Monnaie de 2 Sols en 1792
Monnaie de 2 Sols en 1792

12 juin 1792

Formation d'un bataillon de district de la Garde Nationale

Le 12 juin 1792 Vacher de la Pouge va porter à Montmorillon la liste des citoyens de la commune et participer aux délibérations sur la formation du bataillon de district. Il est assisté de Jean Roy, notable.

29 juin 1792

Renouvellement des cadres de la Garde Nationale de Plaisance

Le 29 juin 1792, une lettre du directoire du district précise que la compagnie de la Garde Nationale de Plaisance devra se réunir à celle de St-Rémy. 

Nous, officiers municipaux susdits, avons délibéré que la compagnie se formerait ici et que nous ne voulions pas aller à St-Rémy. Signé : Normand, maire et F. Vauzelle, premier officier municipal. 

L’assemblée procède ensuite à l’élection des cadres de la Garde Nationale.

1. – Nomination d’un bureau de vote
  • Président : Fleurant Puissassiau, doyen d’âge, qui a déclaré ne savoir ni écrire ni lire est aussitôt accepté.
  • Scrutateurs : Cartrau, curé et Joseph Moreau
  • Secrétaire : Jean Vauzelle
2. – Élection au scrutin individuel et à la pluralité des suffrages
  • Joseph Demarquet, capitaine
  • Jean Thabuteau dit Bellejoue, lieutenant
  • Joseph Vauzelle et Jacques Vauzelle, sous-lieutenants
  • Charles Bonnisset, citoyen depuis peu dans cette ville par congé en règle de la municipalité de Paris, servant dans les chasseurs, porte-flamme. 
  • André Piné et Joseph du Cairoux, sergents
  • Pierre Lefort, Jean Augris, François Chartier dit Boulanger, et Jean Pain, caporaux

10 août 1792

Élections à la Convention

Le 10 août 1792, le peuple de Paris, assisté des délégués de tous les départements venus célébrer l’anniversaire de la fête de la Fédération, attaque les Tuileries, résidence du Roi, qui complotait et se refusait à faire appliquer les décisions de l’Assemblée.

Arrestation de Louis XVI

Le Roi fut interné au Palais du Luxembourg. Il fut déchu de son pouvoir. Or, la constitution de 1791 avait donné le pouvoir législatif à l’Assemblée et le pouvoir exécutif au Roi.  L’un de ces pouvoirs disparaissant, l’autre ne pouvait gouverner seul. Il fallait qu’une Assemblée nouvelle fut nommée pour rechercher une autre façon de gouverner la France sans le Roi, qu’elle fit une nouvelle Constitution.

Cette nouvelle Assemblée porterait le nom de Convention. Dans tout le pays, on commença donc les élections pour les nouveaux députés. 

10 août 1792 - Musée du Louvre

26 août 1792

Nomination d'un électeur de la ville de Plaisance

À Plaisance, on a nommé conformément au droit de ville l’électeur qui ira à Poitiers participer à l’élection des députés de la Vienne. 

En exécution de la loi de 12 août de la présente année relative à la formation des assemblées primaires et électorales pour le prompt rassemblement de la Convention Nationale, considérant que pour satisfaire cette loi, il convient, pour la nomination d’un Électeur, de s’assembler légalement, le 26 août 1792, an quatrième de la liberté nous, maire et membres composant la municipalité de cette ville et commune de Notre-Dame de Plaisance, à neuf heures du matin, à l’issue de la messe paroissiale, icelle célébrée par le Sieur Cartrau,, curé de ladite paroisse, avons procédé à la formation du bureau :

Président : Le Sieur Cartrau, curé

Scrutateurs :  Vacher, Demarquet et Moreau

Le Sieur Vacher de la Pouge fut nommé Électeur à la majorité des 15 voix. 

Première élection au suffrage universel

Il est à remarquer que la nomination de cet électeur devait être faite, pour la première fois, au suffrage universel, donc par tous les citoyens de la commune et non pas seulement les citoyens actifs. 

Nous ne savons pas si les citoyens passifs, les malheureux, participèrent à cette assemblée. Eux, qui n’avaient jamais eu le droit de donner leur avis, furent-ils assez hardis pour s’y présenter ? La loi ne datait que d’une quinzaine de jours. Beaucoup l’ignoraient probablement ou l’avaient mal comprise. Ils n’avaient pas encore eu le temps de s’habituer à devenir des citoyens à part entière. Dans le procès-verbal de cette élection, on ne trouve, en tout cas, aucune trace de leur présence.  

Suite des archives, affaires et faits d’hiver de 1790 à 1795…

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